l’hôpital des fous
certaines phrases que tu m’as dites
c’est moi qui te le demande je t’enverrai d’autres livres je
prendrai de tes nouvelles tous les jours
certaines phrases
comme des fanaux perchés au bout des rêves
les autres phrases que j’entends ici
je ne sais pas depuis combien de temps je suis là
vous êtes mariée des enfants
car je suis arrivée dans le coma
toutes ces misères qui doivent tenir dans les mots
que je m’aime que je m’estime m’as-tu dit
que je sois à la hauteur de
la générosité de tes caresses
des fruits
un repas de fruits
pour laver le corps
ce n’est pas que je ne veux pas vivre
c’est seulement que je ne parviens plus à faire les gestes du
vivre
occupée du seul délire de l’amour unique
tout le reste m’échappe
y compris le printemps
trop de pression disais-tu
si tu l’ôtes dans l’innocence ou l’inconscience c’est la
dé-pression
vers le bas étymologiquement démise
du haut vers le bas du haut de
ton grand lit sombre de la mezzanine enclose
des protections saines vers
le bas de ce lit trop blanc trop étroit de maladie dans
l’anonymat des faux sommeils sans corps ni désir
de l’hôpital
Extrait de » Moi la dormante. Journal psychiatrique » Éditions Unicité, 2021.
Plus d’infos : http://www.editions-unicite.fr/auteurs/BARBUSSE-Anne/moi-la-dormante/index.php
ANNE BARBUSSE

