Françoise Van Herreweghe

FILLES D’OPALE

Quelques filles descendent des chemins,

La peau sous les robes fraîches du soir,

Les cheveux noués en couronne,

L’eau des vagues dans les mains

Elles dansent et tournent

Et les colliers autour des cous

sont comme des serpents enroulés

de cornaline

Ambre et turquoise dans les yeux,

Elles brillent les éclats orageux

et profonds de Nubie,

À chaque pied s’attache un cercle

de perles, nacre endormie

Au loin des cils sur la ligne de la terre,

les mains ondulent et se croisent

sur le ciel d’un haut belvédère

Grande et précieuse,

Habile force des nuées,

De parures secrètes,

La rumeur enlace

des prophéties

***

ECCE HORUS

Ta maison est percée de lumière

Car ton corps est percé du soleil,

Les murs ont blanchis par-dessus la mer,

Et je voyais depuis la hauteur de l’âme,

L’aile poser ses palmes rouges et luisantes sur mon front

Vers la fin des jours les sommeils

font poindre des effrois langoureux,

Dans mon rêve ton oeil d’oiseau

irrigue ma sève inconnue

Du fond des temps l’espace est libre

et silencieux de toutes les voix éteintes,

Elles doivent remonter par les vagues

et nager et revivre et te rejoindre

La maison est à midi au plus près de l’astre,

Le toit est un ciel couché sur le fleuve

et qui s’étire et s’allume comme un vaisseau,

Ombre de terre rouge

À l’ombre des ruisseaux

Ta maison est percée de lumière

Car ton corps est percé du soleil.

FRANÇOISE VAN HERREWEGHE

Née à en Belgique. Etudes à l’Académie Royale de Bruxelles. A édité un recueil de poésie “Opus Focus“  aux éditions Unicité. A compte d’auteur “The Speed of the Horses“, recueil de textes et chansons en anglais. D’inspiration surréaliste, symboliste, les textes s’éloignent de tout réalisme objectif.

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Pascal Hermouet

I

Dès l’aurore, tu assistes à l’allumage des feux :

foyers dispersés à l’horizon, lente implosion indicible.

Le monde accouche.

Signal du départ

adieu au désert

prière du marcheur.

Les ombres s’éloignent : oubli du bleu nuit.

Peu à peu, tu retrouves des prairies

aux lignes verdoyantes et aux fleurs de safran.

La nature de Castille favorise le fertile :

nouveau jour magenta, nouvelle étape placenta.

Prince sans couronne, tu chemines comme personne.

***

2

Peut-être as-tu présumé de tes forces :

tout à coup, un ciel bas change la donne

et une armée de chênes rugueux fait écran.

Forêts en colère, futaies discrètes

tu contournes tout, puis tu poursuis.

Une ville s’impose : Burgos se pose

platanes d’Orient, flèches et relief.

Tu t’émerveilles et tes yeux brillent

face à la pierre, dentelle gothique.

Tailleur de mots, ta plume s’élance.

Extraits de « Tailleur de mots » in Supernova, Éditions Accents Poétiques, 2022.

PASCAL HERMOUET

Enseignant et poète.

Iocasta Huppen

Petit jeu

Nous arrivons bien tôt,

Nous arrivons bientôt,

Quelle différence cela fait

Puisque notre arrivée

Est imminente.

***

Notre lieu de vacances

Quatre maisons et une grange,

Deux vasques pour une seule source,

Une mini-place,

Une route asphaltée qui s’arrête

Après la quatrième maison,

Deux chemins de terre qui mènent

L’un vers des champs et des prés

Et l’autre, vers deux étangs,

Voici notre lieu de vacances.

***

Jour nouveau

Bonjour

Soleil étincelant,

Mûres rouges

Et hortensias mauves

Bonjour

Flamant rose gonflable,

Et piscine toujours bleue

Bonjour

Jour nouveau de juillet.

Extraits de  » Maison d’été », illustrations de Justine Gury, Éditions Partis Pour, 2021.

IOCASTA HUPPEN

Poétesse, haïjin.

Plus d’infos : https://haikus-iocasta.be/

Georges Thiéry

Les lignes serrent le palpitant du temps

L’époque annonce la terreur

Les rues émeutières

Je suis ma fine sente boisée

Toujours je me console contre l’arbre à pleurs

C’est que je ne meurs plus pour rien

Lorsque tout s’élève du cœur à la couronne

Je regarde le ciel se voiler

La fine pluie tomber

Les ténèbres obscurcissent la saison

Je rentre discrètement

Dans cette petite maison.

19 mars 2023

GEORGES THIÉRY

Poète et peintre.

https://data.bnf.fr/fr/documents-by-rdt/16131326/te/page1

https://www.babelio.com/auteur/Georges-Thiery/626319

Marie Derley

Ses saisons

( Extraits )

pépiements nouveaux

sans doute des histoires

d’envol et de ciel

***

sur le bout des lèvres

les mots que nous n’osons dire

des fleurs sous la neige

***

premier rendez-vous

les rouleaux de printemps

dégèlent lentement

***

midi d’équinoxe

partagée entre transat

et sécateur

***

avril avant mai

l’oiseau sur un fil

fait ce qui lui plaît

Extraits de « Le haïku à 5 voix . Haïkus, Tercets, Senryus » Sous la direction de Iocasta Huppen. Éditions Unicité, 2022.

Plus d’infos : http://www.editions-unicite.fr/auteurs/HUPPEN-Iocasta/le-haiku-a-5-voix/index.php

MARIE DERLEY

Plus d’infos : https://maisondelapoesie.be/poetes-list/derley-marie/

Plus d’infos sur Iocasta Huppen : https://www.babelio.com/auteur/Iocasta-Huppen/509441

Daniel Brochard

XXI

Il vaut mieux aller voir les étoiles

Il suffit de tomber du Chrysler Building

Pour se baigner dans les comètes

La terre est un tas d’immondices

S’extraire du charnier des hommes

Du fumier des jours

Aller vers la nébuleuse

Dispersée dans les nuages

Il n’y a pas de verticalité

De haut de bas

Il n’y a que la putréfaction du sol

La lente agonie de la vie

À chaque instant se demander

Et si tout pouvait renaître ?

***

XXXI

Dans le grenier du poète

Il y a une toile d’araignée

Des bouteilles vides traînent sur le plancher

Tout cela est affaire de rimes

La poète joue à défricher la jungle de ses cheveux

Ses lunettes sont cassées et suspendues au plafond

À la fenêtre un souvenir lointain

Comme une mer étendue de tout son long

Le poète a pour souvenir un soleil

Tout ce que la vie ne peut lui donner

Il rêve le jour et vit la nuit

À l’inverse de la rotation des étoiles

Loin des ornières des sentiers battus

Ses habits sont percés

Le poète n’est pas de ce monde

Personne ne l’écoute

Et c’est bien normal

Il maudit ce monde dont nous sommes les bâtisseurs

***

XXXII

Ça fait des années que je traîne

Ma voiture garée sur le parking de Super U

A Talmont-Saint-Hilaire

Ma liste de courses en tête je virevolte

Comme un papillon une rangée de néons

Je suis au Chelsea Market

Avec la haine en plus et l’angoisse

Inhérente à un supermarché

Suis-je ici suis-je ailleurs ?

J’ai envie de rire de pleurer

La caissière est masquée

Belle sous son tissu de coton

Quand il m’arrive de sortir de chez moi

Le monde est beau la vie est laide

Est-ce que je sortirai de ma prison

Partirai-je en coup de vent

Là-bas le soleil

Et au loin l’horizon

Extraits de  » Dernière minute  » paru aux éditions du Petit Pavé , dans la collection Le Semainier, 2023.

Plus d’infos : https://www.petitpave.fr/livre/derniere-minute/

DANIEL BROCHARD

Poète, peintre, revuiste  » Mot à maux  » et blogueur. Né le 11 mai 1974 à Parthenay dans les Deux-Sèvres et décédé le 22 janvier 2023 à Talmont-Saint-Hilaire en Vendée.

Plus d’infos :

Son site : https://www.danslesbrumes.fr/

Ses blogs : http://motamaux.hautetfort.com/

http://ngc581.hautetfort.com/

Sur Daniel Brochard :

https://lejarosset.org/daniel-brochard/

https://www.artistescontemporains.org/artistes/40098/

https://www.arcenciel-parthenay.fr/galerie-1/daniel-brochard/

https://blogs.mediapart.fr/lemaire-marie-josephe/blog/240123/pour-daniel-brochard-poete-memoriam-1974-2023

http://jeudidesmots.com/lettre-de-daniel-brochard-a-un-jeune-poete/

https://www.dechargelarevue.com/A-la-memoire-de-Daniel-Brochard-I.html

https://www.dechargelarevue.com/A-la-memoire-de-Daniel-Brochard-II.html

http://www.francopolis.net/rubriques/GDM-D.Brochard-JanFev2023.html

http://www.francopolis.net/revues/E.Chassefiere-D.Brochard-1-JanFev2023.html

http://www.francopolis.net/revues/E.Chassefiere-D.Brochard-2-JanFev2023.html

http://www.francopolis.net/francosemailles2/D.Brochard-JanFev2023.html

Grégoire Leprince-Ringuet

Eurydice


A votre nuit précoce, ô nullement caduques
Ténèbres, celui-là que cernent ces lauriers
M’arrache s’il poursuit ses pas aventuriers
Jusqu’au jour ambitieux où mon amour l’éduque.


Nous marchons. Je retrouve aux pointes des fétuques
La sensibilité de bras suppliciés
De n’épouser jamais que le balancier
Du faisceau de soupçons rassemblés sur sa nuque.


C’est moi pourtant, moi débordante d’abandon,
Mais muettement moi telle criante offrande,
Et d’avance fidèle à toute prévision


Superbe d’une perte immortellement grande :
Je suis la vérité vivante à condition
Qu’un pur aveuglement longuement l’appréhende.

***

Pachira


Experte à feindre le repos,
L’élégante tend tout son être
Vers les entraves de son pot,
Mais ses chapeaux à la fenêtre !


Ah, comme sait lascivement
Faire semblant de ne pas croître
Depuis le terreau qui la cloitre
Une plante d’appartement !


Oui, la farouche aux mains de palme
Enfle si bien, restant si calme
Qu’elle en déconcerte l’esprit ;


Car tandis que ses tiges s’écartent
On voit se déplier la carte
Où leur réseau était inscrit.

GRÉGOIRE LEPRINCE-RINGUET

Il se présente :

Acteur au cinéma et au théâtre depuis un vingtaine d’années, je suis également l’auteur et réalisateur d’un film sorti sur les écrans en 2016, La Forêt de Quinconces, qui fut en sélection officielle au Festival de Cannes la même année, et dont le texte est paru chez l’Arche éditeur l’année suivante.

En parallèle de mes activités cinématographiques et théâtrales, j’ai écrit une trentaine de poèmes non encore publiés et j’aimerais beaucoup que certains d’entre eux connaissent leur première diffusion grâce à votre revue. 

Dans cette perspective, je joins à ce courriel six textes qui me paraissent assez représentatifs de mon travail par la variété de leurs thèmes, de leurs tonalités, et de leurs longueurs. 

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, madame, monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

GLR

Plus d’infos :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A9goire_Leprince-Ringuet

Source : Wikipedia

Karen Cayrat

KAREN CAYRAT

Elle se présente :

Karen Cayrat est née en Lorraine, dans l’est de la France où elle réside encore aujourd’hui. Traductrice/interprète (–>FR) ses langues de travail comprennent l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Elle s’intéresse, en outre, à la littérature numérique.
Fondatrice et directrice de publication de Pro/p(r)ose Magazine, revue littéraire et culturelle en ligne, publiée le dernier dimanche tous les deux mois, Karen Cayrat, pratique l’écriture en sous-marin depuis de nombreuses années. Cultivant les pas de côté comme la rage d’exister, ses productions naviguent entre approches expérimentale, poétique, et engagée. Quêtant l’aurore du
monde et des êtres, ses créations embrassent des thèmes multiples parmi lesquels se distinguent plusieurs constantes (identité, mémoire, langage, figure de l’écrivain…).
Certains de ses textes et poèmes ont été publiés dans des revues nationales et internationales, au format papier et numérique (Revue Labyrinthe[s, Le Cafard hérétique, La Variation, Hurle-Vent, Cavale : arts et littératures en mouvement, Lichen, L’Air de Rien, Revue Fragile, Hélas!, Pojar, Revista Kametsa, Libreroamérica, FMR, Orientales…).
En 2022, une de ses productions, Osmose, obtient le « Prix coup de cœur du jury » dans le cadre du concours d’écriture organisé par le Louvre-Lens à l’occasion des 10 ans de la structure (aux côtés d’un texte de Nicolas Perez) pour la qualité et l’originalité intrinsèque à son écriture.
Plusieurs de ses créations ont été diffusées sur les ondes de podcasts ou initiatives (comme Mange tes mots, à marée vague…) accompagnées de musiques de sa composition.
D’autres expériences se découvrent dans l’espace de son site-atelier Dérivations, zone de hors-confort, laboratoire instable et clandestin. Un espace fluctuant entre écriture créative et écriture sans écriture.

https://proprosemagazine.wordpress.com/

Georges Thiéry

Diverses rumeurs m’affluent à la tête

Le regard tourné vers le ciel lourd

Je traîne mon agonie

Les jours se suivent à une vitesse déconcertante

On sent venir le drame

La fine trame

Et sur mon cœur

Une petite larme de sang.

22 janvier 2023

GEORGES THIÉRY

Poète et peintre.

https://data.bnf.fr/fr/documents-by-rdt/16131326/te/page1

https://www.babelio.com/auteur/Georges-Thiery/626319

Alix Lerman Enriquez

Suspension

Étoile en suspension dans le ciel,

prête à tomber sur le trottoir mouillé,

sous la lune jaune humide décalquée.

Mes pas me portent sous l’humidité de la pluie

un jour noir de novembre où le jour, il fait gris.

Et m’enveloppe la suie du soir,

et m’engloutit la nuit.

***

Brèche

Un oiseau déchire la brume

Son cri perçant dans le ciel

comme un cri de mort et d’ effroi,

un râle rauque pour l’ éternité.

C’est une mouette qui lacère le ciel,

fait entrer l’aube dans cette échancrure

où les moineaux s’abreuvent

de cette rose naissante,

de ce pâle soleil d’hiver.

***

Jeux d’enfant

Sur la plage encore maculée de soleil du soir,

des jeux d’enfant creusent la rivière de sable.

Plus loin, la mer impénétrable.

À mes pieds, des sceaux, des pelles et des râteaux,

des moules en plastique aux couleurs primaires :

rouge crépusculaire, bleu comme la mer,

jaune comme le soleil brûlant de midi.

Objets inanimés de l’enfance gisent abandonnés,

creusent des sillons dans le sable

aux côtés des coquillages, des algues fossilisées.

Cinquante ans ont passé depuis

et dans mes rêves, encore, il m’arrive

de boire ce ciel bleu, la mer vif-argent,

de boire ce vin rouge du couchant,

courant après les mouettes,

comme après des folles chimères,

cherchant avidement les reliques de mon passé.

ALIX LERMAN ENRIQUEZ

La poétesse Alix Lerman Enriquez s’adonne à l’écriture poétique depuis son plus jeune âge. Née à Paris le 5 mai 1972, elle vit depuis vingt ans à Strasbourg après avoir goûté à la vie rennaise et parisienne. Titulaire d’un doctorat de philosophie du droit, l’auteure a déjà publié une quinzaine de recueils de poésie comme Météores (Editions La Bartavelle 2005), A-Contre-jour (Hervé Roth Editeur 2013), Les territoires de la nuit pourpre (Do Bentzinger Editeur 2012), Herbier d’errances (Editions Flammes Vives 2016), Au-delà de la nuit (Editions Les poètes français 2016), Tessons et miroir (Editions Vox Scriba 2017), Estuaire de l’espoir (Editions flammes vives 2018), La morsure du jour sur la mer (éditions les poètes français 2018), Bribes du jour, éclats de nuit, (Editions Stellamaris, 2019), Tombée du ciel (Editions les poètes français 2021). Elle est également l’auteur de proses poétiques sur le site de l’éditeur Hervé Roth et anime elle-même deux blogs poétiques Perles de poésie et Aphorismes et petits riens .