Je ne ressens rien / anesthésie / je dors éveillé // le soleil passe / il est tatoué sur
la peau des rues / sa brume éteint tous les gestes.
Je ne ressens rien / le soleil passe / il dort un peu / je suis tagué sur les murs /
mes gestes engourdis m’éveillent // le jour emplit mes pas / mélodie ténébreuse /
les rues soulèvent mon visage / je pleurs / larmes ensevelies / j’arrive au
cimetière / le corps est déjà là / invisibilité / sommeil éternel / il pleut sur les
âmes.
Je ne ressens rien / l’urne est posée sur le soleil / il dort un peu / anesthésie de
brume / le corps en cendres est là / évidence déchue / je profane les tombes
alentour / espoir timide / un jour les morts se relèveront / il pleut malgré tout /
âmes grises / des nuages viennent enclore l’heure / la nuit palpite sur le doigt des
ténèbres.
Je ne ressens rien / les graviers crissent sous les pas / le soleil bave sa lumière /
yeux rougis / visages illuminés de tristesse / les cœurs sont éclos dans le jardin
attenant / croix fermées / christs de pacotille / mausolées avalant la poussière /
par ici le sommeil vacille / fleurs fanées pour corps disparus / atomes convertis /
carnations du soleil / les pierres soupirent le long du cortège.
Je ne ressens rien / noir de rigueur / le deuil va à tout le monde / mort engluée
dans la peau / je pue la nostalgie // images d’enfance / sur la plage le défunt joue
à chercher mes pieds / le pas encore squelette me sourit / soleil évacué sous les
gravats et les feuillages / mer huileuse et sable sale / les souvenirs ternis meurent
dans la clarté.
Extrait du recueil « Une métropole dans ton regard »
***
Tous les voyages commencent par un oubli.
L’oubli. De l’idéal.
Et de l’itinéraire.
Cécité latente.
La vie n’a pas de cours.
Elle est. Un long canyon. Un méandre. Une faille craintive.
L’étreinte. De la pierre. Sous le fleuve des vents.
*
Tu es venue.
Limpide.
La liberté t’entourait les.
Hanches.
Tu avais. Dans les mains.
Une sécheresse. Infinie. Tu traversais.
Les airs. Comme.
Une lance aiguisée.
Noire. Tu savais. Que la vie provient.
Du cœur.
Ta terre. Le sable et l’eau mêlés.
Tu vivais. Face. Au ciel. Soleil humain.
Irradiant. Les autres.
Tes seins comme. Deux ombres.
Qui cachaient. La vérité.
Extraits du recueil « Le Cillement naufragé »
© Khamylle-Abel Delalande
KHAMYLLE-ABEL DELALANDE
Poète breton né à Dinard en 1981. Il fait ses études universitaires de Lettres à Rennes. Après quelques années d’enseignement sur Paris et la Bretagne, il se consacre aujourd’hui exclusivement à l’écriture. Il a publié plusieurs recueils dont La Traversée du non-lieu (2013), La Conjuration des Roses (2018), Sémantique de l’absence (2018). Il a été publié dernièrement dans les revues Le Capital des mots et La Page blanche.
Il anime aujourd’hui son blog d’artiste : khamylle-abel-delalande.over-blog.com
