Éric Dubois

Pas besoin de tout ça. En fais toujours trop. Jamais rien dans la vie. Si c’est pour entendre ça, je préfère partir, dit Henri. Une fille vous traite en roi, en mendiant. L’action se passe dans un bar du XIIe. La meilleure chose que tu sais faire. Fuir. Qu’est-ce que je fais avec toi ? Et je reste comme une conne. Et mon rouge à lèvres bave, dit Catherine. Ils sont accoudés au zinc et se parlent de très près. Il la dévisage. Tu as enfanté un monstre difforme et sale. Seigneur. Et moi, est-ce que je compte pour toi ? Me fais-tu une place dans ta bulle ? Quand elle ne dit plus rien, c’est qu’elle ne trouve plus les mots. Pour qu’elle soit rassurée, je devrais la faire fumer. Le Palais Wurlitzer s’illumine d’accords en do, la mineur. J’ai l’air d’interroger le vide, à la recherche d’un quelconque oracle. Calme-toi. Je ne suis pas sans reproche, mais de là, à te figer dans un mutisme fabriqué et capricieux. À propos, tu as commandé ? Oui, avant que tu ne viennes pas. Tellement attendu.

Une heure, tu t’en rends compte ? Mais combien de fois es-tu arrivé en retard ? J’oublie jamais. Embrasse-moi. Pas question de perdre mon temps. Que fait-on ? Rien. Elle écrase nerveusement le mégot de sa cigarette, avec le talon.

***

Le temps passé, c’est Disneyland. Après, c’est Lunatic. La lampe de chevet oscille faiblement. Après que la crise s’est déclarée et menée au terme de l’affection, qu’une certaine forme de solitude me pousse dans les affres d’un mutisme maladif et chronique, une certaine désespérance me gagne. Et je les regrette ces instants perdus, ces troubles fugitifs, ces occasions ratées. Amère amertume. La fatigue persiste. Brouille les mots. Les mots s’effacent. N’ont aucun sens. Abstraits. Je pleure. Catherine. Trop tard. C’est à ce moment-là qu’il faut écrire. Quand toutes les parties de votre corps sont tendues, quand votre esprit est dans le sac du vide. Écrire. L’écriture peut remplir le sac et transformer le vide.

***

Cette fille est impossible. Dire que je l’aime. Vous avez remarqué son déhanchement. Mécanique qui n’a pas droit à l’erreur. Tandis qu’elle court, moi, je rampe, je traîne. C’est comme ça et ça fait mal de quitter ça. Est-ce qu’un jour, béni des dieux, j’apprendrai à marcher ? Pour qu’enfin la suivre ne soit ni une épreuve ni un excès de zèle. Catherine quitte le comptoir et se dirige vers les toilettes.

Ce n’est pas un roman américain. Henri se retrouve seul. Se frotte les yeux. Tard… Juste un peu fatigué d’une fièvre inconnue… Ou bien sonné… Plus qu’à descendre du ring pour s’éponger les yeux qui trempent dans l’acide des souvenirs et sécher ce qui reste d’un corps… Pas triste ! Non !

Le combat est truqué, métaphore usée d’un métalangage diaphane.

Extraits de  » Lunatic, roman  » Éditions Le Lys Bleu, 2021.

Plus d’infos : https://www.lysbleueditions.com/produit/lunatic/

ÉRIC DUBOIS

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur de plusieurs ouvrages de poésie aux éditions Le Manuscrit, Encres Vives, Hélices, l’Harmattan, Publie.net, Unicité. Responsable de la revue de poésie en ligne et maison d’édition associative « Le Capital des Mots ». Blogueur : « Les tribulations d’Eric Dubois ». Il est aussi l’auteur d’un récit autobiographique «  L’homme qui entendait des voix » paru en 2019 aux éditions Unicité.

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Auteur : Eric Dubois

Ecrivain, poète, artiste, responsable de la revue de poésie en ligne " Poésie Mag " , président de l'association culturelle " Le Capital des Mots ". Photo: © Frédéric Vignale, 2016.

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