On dit de la peau du fleuve qu’elle peut s’étendre et entourer la moindre blessure, de la toute petite écharde à la catastrophique fracture ouverte.
On dit de ses lèvres qu’elles embrassent les marines et les esseulés, les enrobent, serpent assaillant une proie, puis les quittent subitement sans laisser d’adresse ou même de courriel pour les rejoindre.
On dit que le Saint-Laurent est une valse, un tour de manège, le fil conducteur de presque toutes les histoires d’amour entre Natashquan et l’Assomption.
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Je t’ai rencontrée sur la plage devant l’église où ma mère s’est mariée, j’avais les yeux d’un autre et les mains arrosées de taches.
J’avais soif, un goût salé dans la bouche, le mercure caché dans l’eau, tous ces métaux lourds.
Je n’ai pas pu te dire que t’étais belle, j’avais froid dans la bruine d’aube et j’espérais que tu me prêtes un bout de ton coat en léopard. Je t’ai demandé un 7Up grenadine, tu m’as offert une Pabst Blue Ribbon.
Le son du fleuve froissait les mots entre nous. Le ventre du fleuve faisait de la statique. La peau de l’eau était tendue entre Québec et le lac Ontario. L’oreille du fleuve n’écoutait rien, comme d’habitude.
Extraits de « La fleuve » Collection Nullica. Éditions L’Oie de Cravan, 2019.
Plus d’infos : http://www.oiedecravan.com/indexfranc1.html
CHARLES QUIMPER
Plus d’infos : https://editionsalto.com/auteurs/charles-quimper/?v=11aedd0e4327

